Présenté par Anne Faucon, rédactrice dans les gazettes d’Utopia et responsable du projet d’Utopia Pont-Sainte-Marie (Aube)
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Un cinéma dont 12 ans de fonctionnement équivaudront au bilan carbone d’un aller-retour en avion pour 5 personnes à Nouméa ? Est-ce possible ?
Le projet d’Utopia de Pont-Sainte-Marie dans l’Aube consiste en un nouveau complexe de 4 salles et 298 places (les petites jauges faisant partie des standards d’Utopia depuis près d’un demi-siècle). Avec des coûts de construction resserrés, il vise un niveau environnemental jamais égalé en France et certainement même au-delà : premier cinéma à énergie positive aux plus hauts niveaux (E+ niv.4), décarboné (C- niv.2), réalisé avec des matériaux biosourcés, zéro déchet (compostage), avec une gestion raisonnée des eaux usées et potable, grâce à une noue végétalisée et des toilettes sèches tellement plus hygiéniques et moins propagatrices de virus que les toilettes humides. Un bâtiment économe et plus respectueux de l’environnement dont la conception est assistée par des architectes et une Assistance de Maîtrise d’Ouvrage spécialisés dans l’optimisation énergétique et environnementale. L’occasion pour Utopia de concrétiser une réflexion autour de l’environnement et de la salle de cinéma. Un désir renforcé au fil de la programmation de films sur l’écologie, des débats/rencontres qui s’en sont suivies. La première simulation thermique dynamique, démontre que notre bâtiment, pourtant prévu pour accueillir du public n’est pas plus énergivore au m3qu’une grande maison individuelle passive ! Quant à son bilan carbone : 12 ans de fonctionnement équivaudront à un aller-retour en avion pour 5 personnes à Nouméa…
Utopia ambitionne de faire de ce lieu, qui prendra à moyen terme une forme coopérative, un prototype reproductible par tous.
Zone d’implantation :
Suite à un rapport annuel du CNC et plusieurs articles parus dans la presse dénonçant le mauvais équipement de l’Aube en matière de cinéma, et particulièrement de l’Art & Essai, les élus d’une commune située à trois kilomètres de Troyes, Pont-Sainte-Marie (5200 habitants), sont venus solliciter Utopia. En 2019, avec 1 fauteuil pour 81 habitants (la moyenne française étant d’1 pour 57), seuls 5 départements en France ont une densité du parc plus faible que l’Aube. En 2019, ce sont encore 200 films Art et Essai qui n’ont pas été diffusés dans l’agglomération troyenne.
Pont-Sainte-Marie, commune située à trois kilomètres de Troyes bénéficie de l’aura de cette dernière qui accueille chaque année près de 4 millions de visiteurs. La zone d’implantation du futur cinéma a un tissu économique local dynamique grâce à ses magasins d’usine et ses établissements scolaires (20 800 élèves dans la zone primaire, 10 800 étudiants à Troyes).
La structure de la population de Pont-Sainte-Marie est favorable à l’implantation du cinéma. 38% des habitants de la commune sont des retraités, catégorie consommatrice de cinéma. Une étude de marché prévoit entre 85 000 et 105 000 entrées réalisables. Un projet soutenu par la population (déjà plus de 2000 followers bien avant l’ouverture sur les réseaux sociaux), après avoir mis en ligne une pétition (qui avait recueilli plus de 2000 signatures), des cinéphiles ont créé une association de soutien à l’implantation du cinéma Art et Essai.
Pont-Saint-Marie est le terrain d’ambitieux projets en matière d’environnement et de développement durable : création du premier écoquartier de l’Aube (au centre duquel sera implanté le futur cinéma), pionnière en France en matière de collecte hippomobile des déchets, protection de l’environnement (14 hectares de poumon vert au cœur de la ville, un arboretum aux arbres centenaires remarquables). Par contre, la commune reste en déficit d’équipements culturels. Situé à proximité d’un Quartier Prioritaire de la Ville, ce nouveau cinéma de proximité sera, non seulement un nouvel espace de cohésion sociale pour les maripontains, évitant que la zone ne se transforme en « cité dortoir », mais il rayonnera pour tous les habitants de Troyes et au-delà.
Utopia, un cinéma populaire :
L’Utopia, fondé il y a 44 ans, est aujourd’hui un réseau de 6 cinémas indépendants, tous en SCOP ou en voie de transformation. La ligne éditoriale d’Utopia est rigoureuse : 85% à 95% art et essai, des films en VO uniquement, des tarifs les plus démocratiques possibles (prix moyen autour de 5 €, beaucoup de spectateurs optant pour l’achats de carnets non nominatifs, non limités dans le temps, valable dans tous les Utopia de France et à l’American Cosmograph de Toulouse), une multiprogrammation… Sans recettes annexes (publicité, confiseries, etc.). Le réseau a généré 30 millions d’entrées sur les 30 dernières années. La politique d’animation d’Utopia s’appuie sur la diffusion massive de son programme La Gazette, véritable petit journal (entre 32 et 72 pages selon les villes d’implantation) édité toutes les 5 semaines. 50 millions de Gazettes ont été diffusées en 40 ans.
Chaque cinéma Utopia a son propre style, mais tous semblent un peu hors du temps, « sans 3D, ni popcorns ». La spécificité d’Utopia Pont-Sainte-Marie est d’expérimenterdes solutions durables pour préserver la planète.
Construit dans un ancien camp militaire, le cinéma s’ouvrira sur un parc de deux hectares, qui favorisera des activités extérieures : une terrasse permettra d’organiser des ciné-concerts en plein air l’été. La Gazette, diffusée à 30 000 exemplaires, rendra les actions locales plus visibles, engendrera des collaborations à des projets stimulants, avec les habitants et structures locales. Les synergies ainsi mises en place entraineront une forme de médiation sociale naturelle, propice au bien vivre ensemble, à l’intelligence collective.
Un espace non-marchand, avec un coin cheminée renforcera la convivialité du hall aux couleurs chaleureuses. Des veillées au coin du feu et animations autour des films y seront organisées. Des livres et jeux y seront mis à la disposition des grands et des petits. Cet espace pourra être animé à tour de rôle par des collectifs locaux en accord avec l’équipe du cinéma.
Une tartinerie Zéro déchets favorisera l’accueil autour des séances (repas à thème, soirées goguettes), accessible à tous, cuisine élaborée à partir de produits frais, bios, issus de circuits courts.
Grâce à sa salle d’éducation à l’image, spécialement aménagée à cet effet, Utopia Pont-Sainte-Marie proposera aux scolaires des temps privilégiés. Du matériel ludique et pédagogique sera mis à leur disposition, des ateliers à la carte seront organisés en collaboration avec des partenaires tels le Blackmaria(Pôle régional d’éducations aux images), le festival Court en scène… Des séances« arrêts sur image », facilitant un travail de proximité, en petits groupes, offrant une ouverture au monde…
L’accessibilité pour les PMR sera renforcée, grâce à deux salles de plain-pied, qui faciliteront l’accès à des groupes entiers de personnes, qui sans être en fauteuil, souffrent de handicaps qui leur permette difficilement de monter les marches des salles avec gradins – initiative plébiscitée par l’Unicef champenois. Toutes les salles, équipées en Twavox, proposeront également des séances OCAP régulières pour les films français.
Équipements et techniques constructives mis en œuvre :
Pour une telle démarche environnementale, il est essentiel qu’il y ait une grande cohérence, des échanges ouverts et constants, entre les Bureaux d’étude, les architectes et surtout l’AMO spécialiste de l’optimisation énergétique. En quelque sorte, il faut accepter qu’il ait le « short cut », son rôle est prépondérant pour réussir un bâtiment qui vise plus haut que les HQE habituelles et préfigure les normes de demain (au moins celles de 2022). Il faut que chacun (même le maître d’œuvre) sorte de sa zone de confort, se méfier des certitudes, des idées reçues, martelées depuis des décennies par le règne du « tout béton ». Ce qui prime n’est alors plus l’apparence du bâtiment, mais ce qui se passe dans ses entrailles, son impact carbone lors de sa construction puis en fonctionnement, l’évaluation de sa consommation énergétique, comment tout cela évoluera dans le temps en tenant compte du réchauffement climatique (jusqu’en 2040), de périodes de canicule, de grands froids…
La première phase de la Simulation Thermique Dynamique (STD 1), a permis d’envisager tous ces cas de figure. Des pistes explorées, certaines ont été retenues, d’autres abandonnées (c’est le cas de la géothermie évoquée au Sommet des Arcs, mais peu intéressante en définitive sur le terrain alloué ici). Nous entrons dans une seconde phase de Simulation Thermique Dynamique (STD 2) qui va permettre d’affiner encore les choix entérinés jusqu’à lors qui sont :
– L’utilisation de matériaux décarbonés, dès que possible en circuits courts :
- Ossature en bois, remplissage en chanvre, paille ou laine de bois
- L’idée d’un toit en paille a été abandonné car obligeait à doubler les structures de portage et entraînait des surcoûts importants.
- Bardages bois en extérieur
- Utilisation de terre crue en intérieur
- Dalle bétonnée pour assurer la stabilité énergétique du bâtiment
- L’imperméabilisation des sols : elle est remise en STD 2. En effet, dans le cas de Pont-Sainte-Marie, elle coupe le bâtiment de la fraîcheur du sol.
- – La chasse au gaspillage, diminution des coûts fixes :
Éliminer le moindre espace inutile. Ne jamais perdre de vue que plus il y a de volume, plus il faut le traiter, brasser de l’air… plus il est difficile de contraindre les coûts de construction et de fonctionnement. Pour obtenir une gestion optimale et raisonnée, chaque centimètre cube doit être optimisé ou éliminé s’il ne sert pas au fonctionnement de l’exploitation.
Des projecteurs moins énergivores seront utilisés, au phosphore lazer DP2K.
La recherche et le traitement de tous les points de fuite énergétiques
La végétalisation de la façade sud l’été pour diminuer les besoins énergétiques du hall.
Toilettes sèches : système de ventilation un peu trop énergivore (à améliorer STD 2)
Équipement des cuisines Tisanerie (à réétudier en STD 2)
– La production énergétique grâce à des techniques biosourcées, ne faisant pas appel aux énergies fossiles :
CTA pour le renouvellement d’air, la climatisation légère des salles
Chaufferie bio masse
Rafraîchissement et chauffage par le sol, pour obtenir un hall non climatisé, mais agréable (autour de 22°)
La cheminée poêle procure non seulement une ambiance chaleureuse, mais permet de chauffer le hall en réduisant les besoins du chauffage au sol.
Photovoltaïque : 825 m2de toiture qui produisent plus que la consommation du bâtiment et dont une partie pourra être revendue à EDF.
miroirs chauffants (toujours à l’étude en STD 2).
– Une gestion raisonnée de l’eau et des déchets :
Récupération des eaux de pluie (des toitures) grâce à une noue végétalisée de 138 m2. Une cuve pour l’arrosage est à l’étude en STD 2. Peu d’eaux usées, seules celles des lavabos, seront rejetées dans le réseau d’assainissement public, limitant ainsi l’impact environnemental et le coût de retraitement des eaux pour l’État.
Toilettes sèches sèches : pas de rejets d’eaux usées. Très hygiéniques, moins propagatrices de virus, les déchets sont traités dans les salles de compostagespositionnées sous le côté nord bâtiment en se servant de la pente naturelle du terrain qui a été utilisée au mieux.
Un système de compostage et de revalorisation des déchets du bistrot mis en place en collaboration avec la commune.
– Incitation à moins utiliser les véhicules polluants :
L’entrée principale se fait par une voie de circulation douce, interdite aux voitures.
Un garage à vélo, à l’abri de la pluie, est mis à disposition des usagers du cinéma.
La première simulation thermique dynamique, démontre que le bâtiment, pourtant prévu pour accueillir du public n’est pas plus énergivore au m3qu’une grande maison individuelle passive ! De fait, la principale difficulté n’est pas tant de le chauffer, que de le ventiler et de le rafraîchir l’été.
Le financement :
La haute ambition énergétique du bâtiment a été atteinte avec des coûts de construction pourtant resserrés, en cadrant parfaitement aux ratios de l’ADRC.
Malgré la pandémie de Covid-19 qui frappe et fragilise l’ensemble de la filière du cinéma de plein fouet, le projet a continué d’avancer. La crise actuelle, vient souligner la pertinence de modifier nos habitudes de consommation et l’urgence de préserver la biodiversité.
Un dossier de demande d’Aide Sélective à la Petite et Moyenne Exploitation, qui statuera le 3 juin 2020, a été déposé auprès du CNC. Pour modérées que soient les demandes d’Utopia (qui parvient à assumer seul 60 % du montant des travaux – tisanerie incluse), l’Aide Sélective reste un déclencheur indispensable pour obtenir les aides du FEDER et de la Région qui suivent de près le dossier. Ce projet a été voulu exemplaire sur le plan budgétaire afin qu’il soit reproductible et accessible à d’autres salles, que chacun à son humble mesure puisse franchir le cap nécessaire et bientôt incontournable, pour lutter contre le réchauffement climatique.
Le prévisionnel :
Une gestion rigoureuse conduira à l’équilibre financier sans recettes annexes, qui est une des marques de fabrique du réseau.
L’indépendance financière du lieu est rendue possible grâce à l’implication de la commune de Pont-Sainte-Marie qui met à la disposition du futur cinéma un terrain sous forme de bail à construction, emphytéotique de 99 ans. 3 salariés + 1/3 temps travailleront à l’Utopia Pont-Sainte-Marie au début pour ne pas alourdir les charges.
Des organismes environnementaux vont être sollicités en vue de l’obtention de labels (notamment Bepos et Certivea) ainsi que des demandes d’aides pour les surcoûts liés à la partie environnementale. Mais elles viendront en cours de route, ou a posteriori, et il est difficile de les évaluer à cette étape. Par exemple, selon les régions l’Ademe intervient sur le solaire, la Compagnie Générale des eaux pour les toilettes toilettes sèches.
En conclusion : Un cinéma durable est possible… il sera modeste, autonome et écologique…